La pièce de 960 Reis constitue un témoignage privilégié de l’histoire du Brésil.
Comme tous les grands modules en argent du XIXe siècle, il s’agit d’une pièce imposante et attractive. Mais la particularité de la 960 Reis est qu’elle n’a pratiquement jamais été frappée sur des flans neufs. En effet, dans la grande majorité des cas, des pièces de 8 Reales des colonies espagnoles, très abondantes en Amérique latine au début du XIXe siècle, ont été utilisées comme support. Après avoir été chauffées, elles ont été refrappées aux armes de la colonie portugaise du Brésil puis de la monarchie brésilienne à partir de 1823. Dans la plupart des cas, des traces de l’ancienne frappe espagnole restent visibles.

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Sur l’exemplaire ci-dessus, nous pouvons distinguer au revers le lion du León, la tour de Castille et les trois lys des Bourbons qui font partie du blason de la couronne d’Espagne. Dans des cas très rares, d’autres grands modules en argent ont été utilisés pour frapper les 960 Reis, comme le thaler autrichien ou le dollar américain, mais ces exemplaires restent très difficiles à trouver.

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Pourquoi une nouvelle pièce de monnaie brésilienne apparaît-elle au début du XIXe siècle ? En 1808, le régent du Portugal, le prince Jean, et sa cour débarquent au Brésil et s’installent à Rio de Janeiro. Il s’agit d’une solution de repli pour faire face à l’invasion du Portugal pour les troupes napoléoniennes. L’année suivante, la création d’une nouvelle pièce est décidée, reprenant les armes de Bragance de la couronne portugaise à l’avers et un globe posé sur la croix de l’ordre du Christ symbolisant l’empire portugais au revers. Cette opération monétaire est plutôt avantageuse pour les Portugais. En refrappant à 960 Reis une pièce de 8 Reales espagnols qui s’échangeait alors aux alentours de 750 Reis brésiliens, ils réalisaient une plus-value de plus de 25 %.
Bénéficiant de la présence de la cour royale, la colonie du Brésil obtient en 1815 un statut politique la plaçant quasiment au même niveau que la métropole portugaise : c’est la création du Royaume-Uni du Portugal, du Brésil et de l’Algarve. Ce changement de statut est perceptible au niveau monétaire avec l’apparition à partir de 1818 d’un 2ème type pour la pièce de 960 Reis. Le blason portugais et le globe terrestre se superposent alors au revers. L’avers libéré de l’ancien blason reçoit alors sous la couronne deux branches de fleurs, la valeur monétaire, la date et la lettre d’atelier (B pour Bahia ou R pour Rio de Janeiro). Sur la légende, Jean VI est annoncé comme souverain de la nouvelle entité : JOANNES VI D G PORT BRAS ET ALG REX. Ce 2ème type est frappée jusqu’en 1822, date proclamée de l’indépendance du Brésil.

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En effet, en 1821, Jean VI et sa cour retournent au Portugal pour tenter de rétablir leur souveraineté face à des soulèvements populaires guidés par des aspirations libérales. Ces mêmes aspirations, cumulées à une volonté d’indépendance, vont mener une partie de la population du Brésil à se révolter et à mettre en place leur propre État souverain dirigé par une monarchie distincte de celle du Portugal. L’un des fils du roi Jean VI est proclamé empereur du Brésil sous le nom de Pierre Ier. La pièce de 960 Reis n’est pas abandonnée pour autant suite à cette indépendance. Un 3ème type fait son apparition à partir de 1823. On ne retrouve plus, au centre de l’avers, que la mention 960 sans unité, la date et l’atelier étant relégués en bas de la légende. Au revers, le blason portugais disparaît définitivement au profit des nouvelles armes de l’empire brésilien : le globe sur la croix entouré de 19 étoiles au sein d’un blason couronné.

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En 1834, la frappe des pièces de 960 Reis est abandonnée. Elles seront remplacées par des pièces de 800 Reis et des pièces de 1200 Reis frappées sur flan neuf sous le règne de Pierre II, empereur du Brésil.

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Puis à partir de 1848, la réforme du système monétaire brésilien sur une base décimale entraîne leur remplacement par des pièces de 1000 Reis sur lesquelles le portrait de Pierre II fait son apparition à partir de 1869.

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